vendredi 24 mai 2013

Fête des Mamans

Ayé, me rev'là! C'est que le temps passe vite et que les semaines sont de plus en plus éreintantes. Ajoutez à ça un temps pourrave de chez pourrave et bien, ça vous démonte un grand gaillard comme moi. Le mois de mai et son pote juin sont d'ordinaire de gigantesques gruyères à fêtes catholiques et commémorations qui, baignés de soleil et de ciel bleu, nous amènent inexorablement vers le doux rivage des Grandes Vacances, en n'omettant pas écueils et récifs de LA fête d'école et son cortège de spectacles, danses et chants massacrés à tue-tête par les hordes de marmots enfiévrés et de bataillons de parents ébahis devant leurs rejetons grimés et affublés de costumes en carton, devant des décors en cartons pâtes et boîtes de chaussures. Je vous invite d'ailleurs à compulser, si ce n'est déjà fait, ce billet traitant des mille et un dangers que bravent un enseignant à la barre! Sauf que, cette année, je suis une lavette décérébrée si tant est qu'une lavette peut être pourvue d'un soupçon de neurones. Réflexion faite, oui, c'est possible: il suffit de regarder TF1, M6, W9 et Direct8, les deux dernières chaînes citées n'étant que les rejetons dégénérés d'amours consanguines entre les deux premières. Mais passons à ce qui me fait revenir à mon clavier, j'ai nommé la Fête des Mères. La PUTAIN de Fête des Mères plutôt. Tous les ans, c'est la même chose, on la voit pas arriver, je ne la vois pas arriver: elle se terre sournoisement derrière les jours fériés du joli mois de mai et paf! sans crier gare, ça nous explose à la gueule et c'est la panique!
"Tout le monde sur le pont! Moussaillons, va falloir vous tirer les doigts du fion pour chier un truc potable à offrir à vot'pondeuse, sacrebleu!"
En plus, j'ai vraiment pas beaucoup d'idées et plus le temps pour jouer à Récup'Man, la récupération, étant l'activité favorite de tout enseignant qui se respecte... "Ça peut toujours servir" est sa maxime favorite et les boîtes vides, rouleaux de PQ (vides aussi), bouchons et plastiques en tout genre sont stockés sans vergogne jusqu'à ce que la raison, la menace de divorce ou la camisole mettent un terme à cette frénésie compulsive.
Cette année, j'avais prévu. Mais la procrastination m'a eu par surprise! On pense toujours qu'on a le temps... Foutaises! Balivernes! Calembredaines! Pas le temps de dire ouf que l'on se transforme en lapin blanc de Lewis Carroll, une montre gousset à la main.
Le pire, c'est que l'on voudrait faire un truc sympa qui ne coûte pas un bras en matériel, qui soit intéressant d'un point de vue pédagogique, esthétique et qui soit surtout facile de réalisation, en un mot comme en cent, je cherche le Graal. Vous étonnez pas que l'on vous refile des colliers de nouilles, des calendriers en papier mâché ou des porte-photos qui ne sont pas sans rappeler les compressions de César, le talent en moins. On dira que l'esthétique est bien secondaire lorsque l'on sait que les petites mimines de son propre mouflet a façonné cette œuvre, que la charge émotionnelle comble toute considération esthétique, n'empêche que la "charge émotionnelle", c'est comme la charge des piles électriques, ça dure pas éternellement même pour un lapin rose de chez Duracell... Toujours une histoire de lapin.


.... to be continued. I am creved.

[Trois de mes fidèles fans s'étant manifestées, je m'empresse de poursuivre le récit de mes pérégrinations. Au risque d'en décevoir certaines... J'en suis fort marri, croyez-moi.]

J'ai donc fouiné sur le net afin de trouver une babiole. Mes critères de sélection se sont considérablement restreints étant donné que les qualités artistiques, le soin et la rigueur sont aux abonnés absents chez la plus grande majorité de mes ouailles. J'ai beau leur seriner que vitesse et précipitation ne sont pas à confondre, ils et elles m'ont fait découvrir que l'on pouvait allier vitesse ET précipitation sans oublier une louche de j'm'en-foutisme et une brouettée d' à peu-près. Le résultat dépasse souvent l'imagination... Il fallait donc que mon bidule "matrifestif" ne leur demande pas un effort trop conséquent tout en ayant un rendu globalement acceptable. Pour le pédagogique et l'artistique, on repassera. 
Mon choix se porta finalement sur ceci. C'était visuellement agréable, ne nécessitait pas ni budget pharaonique ni collecte d'objets rares.
Deux semaines avant la date butoir, je leur exposai donc l'idée. Leur réaction enjouée me rassura et c'est confiant que je leur distribuai feuilles et feutres. Non sans leur avoir prodigué consignes et conseils afin qu'ils évitassent les nombreux problèmes potentiels qu'en enseignant consciencieux j'avais listés dans un coin de mon cerveau... Sauf que... Chez beaucoup d'élèves voire d'enfants, la potentialité est une réalité! Peu importe les conseils de "monsieur", la carapace en "cause toujours, vieux con!" des enfants est super solide, impénétrable, du tungstène de jeune couillon. Et vas-y que je te dessine des fleurs riquiqui, que j'invente des formes de pétales impossibles à découper ou que j'appuie comme un sagouin sur le crayon-papier si bien que ce n'est pas la gomme qui efface le graphite mais le graphite qui imprègne la gomme! 
"RHHHAAAA!!!! Bordel de merde, vous allez m'écouter, bande de p'tits morveux?!" me dis-je les yeux injectés de sang et la bave aux lèvres.
"M'sieur, c'est bieeeeeen?
-Monsieuuuuuuu, c'est bôôôô, hein?
-Monsieur, je sais pas faire."
Je ne sais plus où donner de la tête. Chacun attend l'approbation de l'adulte. C'est un moindre mal et j'en profite alors pour rectifier lorsque cela est nécessaire. Néanmoins, certaines remarques déclenchent en moi une froide colère nimbée de mépris:
"Monsieur, c'est moche, hein?
- Si tu le dis.
- Mais je sais pas faire, c'est pas beau. (traduction: je veux pas me casser le trognon, c'est trop long, ça fait quand même dix minutes que je suis dessus et c'est pas encore terminé. En plus ça ressemble pas à un Van Gogh ou un Monet. Vous voulez pas le faire à ma place?)
- Bah, tant pis."
Je feins l’indifférence. Attitude salvatrice. Pour moi et pour lui ou elle qui, devant mon absence de réaction, s'empresse de retourner à sa tâche.

La tension paroxystique est à son comble à H-2 soit le vendredi vers 14h30, rien n'est fini. Il faut coller, rafistoler, fignoler, découper. Je me rends compte que le "Jusqu'ici-tout-va-bien Style" a ses limites et qu'il est plus que nécessaire de booster ce petit monde et de se tirer les doigts du fion. Le pistolet à colle dans une main, le cutter dans l'autre, des pics à brochette entre les dents et des bouchons en liège dans mon ..., sur la table, j'exécute, j'accomplis, je magnifie. Et hop, un ruban en Bolduc, et le tour est joué!
H-10 minutes: tout est fin prêt. La sueur perle sur mon front, le pistolet à colle rougeoie, le cutter gît sur mon bureau, la lame usée. J'ai gagné, une fois de plus. Je suis vidé, éreinté, j'attends que l'heure H me libère et restitue chacun de mes élèves à leur douce môman... 

Vade retro cadeau de fête des mères! Hasta la Vista, baby! À l'année prochaine quoi...

Sauf que...

"M'sieur, où j'mets mon bouquet?
- Heuu, bah, dans ton c.. ta main. Où veux-tu le mettre?
- C'est que ma maman va le voir, et je veux pas.
- Heuuuu (Putain, casse-toi avec ton bouquet, je veux plus voir de bouquets, ras-le-bol des bouquets! Arghhh, j'en peux plus). Tu le mets dans ton dos tout simplement. Et si ta maman le voit, elle fera semblant. Ne t'inquiète pas.
-D'accord!"

C'est ainsi que j'ai survécu une nouvelle fois au sacro-saint cadeau de Fête des Mères. Sachez que cela nous en coûte chaque année. Alors, au moment où vous découvrirez le cadeau que votre enfant vous a confectionné, n'oubliez pas que c'est aussi le cadeau d'un élève et qu'il y a un(e) enseignant(e) qui a souffert derrière. N'oubliez jamais.

Jamais.





4 commentaires:

  1. Je suis morte de rire en lisant le dernier paragraphe ... et le reste ... chez nous, premier cadeau school-made pour les gremlins, ils sont revenus de l'école avec de petits berlingots (en rouleau de PQ) soigneusement enrubannés, j'aurais le droit de les ouvrir demain ... et ils ont aussi appris une belle poésie, et je peux te dire que ça, c'est le truc qui foudroie la petite maman émotive qui entend une ode à son endroit pour la première fois de la bouche de sa progéniture ... de quoi nous rendre indulgente même pour le pire collier de pâtes ...
    Bon week-end !

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  2. Et alors ? alors ? comment s'est materialisé le Saint Graal ?
    Chez nous, c'est plus simple, on nous dit que les enfants n'ont pas tous une mere et un pere, ils sont super precurseurs et anticipent l'adoption par des gays.
    Total que dalle depuis la maternelle, pas meme un dessin ou un poeme.
    Si les Papas oublient de faire un cadeau à la maison avec les enfants, les mamans n'ont rien le Jour J. J'te raconte meme pas la pression que ca fout aux Papas ;)

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  3. Mon petit m'a ramené une "jolie" carte "scrappée" et plastifiée avec des "photos" de lui ... Pas trop mal ...
    Et bien sûr le poème ... mais pas appris par coeur !!
    Me tarde de savoir quel a été ce mystérieux Graal que tu as trouvé ...
    Bises

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  4. Et pour la fête des pères tu as prévu quoi?

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Vas-y, lâche un com'.