vendredi 1 novembre 2013

L'effet dévastateur de l'effet Dragster

Nombre d'entre vous s'imaginent que le métier d'enseignant est jalonné de petites satisfactions, de douces joies, d'une myriade de moments de plénitude où ces chères petites têtes blondes, brunes ou rousses nous gratifient de leur sourire, de petites brèves de couloir dont la spontanéité n'a d'égale que la justesse de leur analyse. 
Ce n'est pas tout à fait faux. Certes ces petits riens sont des cailloux blancs qui, comme le Petit Poucet de Perrault, nous aident à retrouver les raisons de notre engagement au service de l'Éducation nationale. Putain que c'est joli comme parallèle! 

SAUF QUE... c'est pas tous les jours comme ça!! Les petits cailloux, y'en a pas tous les deux mètres! T'imagines le Petit Poucet semer des petits cailloux tous les deux mètres? Il lui aurait fallu un semi-remorque! Non, les petits cailloux sont assez espacés pour qu'on ait juste le temps de se taper une bonne déprime avant de tomber sur ces petits trésors, ces perles d'enfants. Putain, c'est encore joli ça....

Ma petite expérience m'amène à vous parler de l'effet Dragster.

Michel Chevalet : "L'effet Dragster, c'est quoi!?"
Le Rag': "C'est simple Mich'!" [Oui, j'aime l'appeler Mich'.]
- Tu vois ce que c'est un Dragster?
- Oui, une bagnole trafiquée avec quelques centaines de chevaux dans le moteur et des roues arrière aussi larges que l'ouverture d'esprit de Florent Pagny est étroite.
- oui, voilà! Ça vrombit, ça fume, ça rugit. Ça envoie du lourd, quoi! 
- ah ouais... mais quel rapport avec ta classe, cher Rag'?
-  tu sais Mich', je te croyais beaucoup plus perspicace... Qu'à cela ne tienne, je me dois d'entrer dans de plus amples explications pour mes lecteurs. Reste ici, ouvre bien tes grandes oreilles et écoute.
- ...
- et lâche-moi cette maquette de la station Mir!
- Oh, pardon!

Oui, ma classe est une sorte de dragster! Je bichonne le moteur, je lustre la carrosserie, je remplis leur réservoir de connaissances pour qu'au moment t le pilote que je suis soit dans les meilleures conditions possibles pour emmener ce véhicule vivant d'un point A à un point B, rapidement et sans accroc.
Il m'arrive souvent de préparer ma classe "Dragster" à assimiler telle ou telle notion, j'explique, je corrige , je valide , j'interroge. J'écoute les méninges ronronner, je regarde les doigts se lever comme autant de pistons, les réponses pétaradent à mes oreilles à chaque coup d'accélérateur... Je sens que mon dragster est prêt, que la notion est assimilée. Cette mécanique infernale n'attend plus qu'à devenir autonome, libéré du frein à main de l'autorité que je représente. Les cylindres vont fondre sur la piste des cahiers et tracer leur route à travers les interlignes de l'horizon.
Imaginez 24 CV (Cerveaux Valides) rugir, prêts à parcourir de leur pointe de Bic la page de cahier vierge en moins de temps qu'il n'en faut pour écrire la date au tableau (craie blanche et soulignée de rouge)!!! Ils bavent d'impatience, sourire nerveux au visage. 
J'abaisse mon drapeau à damier et ...

C'est là que l'analogie avec les courses de dragsters prend toute sa dimension... Je vous laisse une vidéo bien plus explicite que tous les discours.



"Mich', ouvre les yeux! C'est fini.
- J'ai eu peur, le Rag."

Bon, ben voilà, la belle mécanique que j'avais bichonnée, huilée, assemblée explose en pleine course. Cylindres, pistons, bielles et vilebrequins constellent mon champ de vision.


"ILS ME FONT N'IMPORTE QUOI, CES NAINS! ILS ONT RIEN COMPRIS!"

Pages arrachées, bouts de gomme sur la piste de leur cahier, larmes et cris de dépit, tel est le spectacle de désolation qui s'offre à moi. Mon dragster pédagogique s'est désintégré.

"Qu'est-ce qui a merdé? J'avais pourtant tout vérifié, réglé, revérifié, reréglé..." sangloté-je.

La déception est d'autant plus grande que les attentes étaient énormes. J'essaie tant bien que mal de ramasser les élèves en état de compréhension, c'est moche.
Il est temps de me remettre au taf et de trouver ce qui a bien pu merdé dans l'assemblage de cette machine de connaissances. Je suis leur Pr Frankestein, un Prométhée à deux euros six sous (avec l'inflation) et jour après jour, j'essaie tant bien que mal de créer les conditions propices à l'acquisition de savoirs.

"Bon, Mich', t'as compris mon histoire de dragster?
- Euh, ouais... mais t'as pas parlé de combustion hydrogène/oxygène, ni de turbo, ni..
- On s'en branle, Mich'! C'était une métaphore, je suis pas mécano.
- Ah bon? Mais mes maquettes de Station Mir et de navettes spatiales, je les ai ramenées pour rien alors?
- Bah ouais (mais qu'il est con, Mich'!)
- Ah... Tant pis!
- ...
- ... Hmmm
- Hé, Mich', viens ici et passe-moi la clé de 12!"








 Merci à Michel Chevalet de m'avoir assisté.
 

4 commentaires:

  1. Très bonne comparaison : même confortablement assis sur les gradins, on comprend tout ! on a juste peur de se prendre un morceau de roue ou de carlingue en pleine gueule : un dommage co-latéral quoi....

    Arclusaz

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  2. La vie est cruelle ... surtout quand la mécanique s'en mêle / s'emmêle (orthographe au choix ...) !
    Courage le Rag, tu les auras, un jour, tu les auras ...

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  3. Le Rag, je dois te dire que j'ai le coeur brisé de constater qu'après tout ce temps, tu me demandes encore de prouver que je ne suis pas un robot ...

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    1. J'y peux rien Lisbei, c'est Blogger qui veut ça.
      Tu es la bienvenue!!!!

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