Voilà un mois
que j’ai quitté ma classe, salué mes collègues et renvoyé ces chères petites
têtes blondes à leurs géniteurs. Un mois où j’ai regardé s’éloigner l’année
écoulée et que je vois se profiler, à égale distance, la prochaine rentrée des
classes.
« L’année scolaire est morte, vive
l’année scolaire ! » s’écrient à l’unisson les bataillons de
hussards et hussardes noirs (j’aime les hussardes). Le regard fier et les
épaules conquérantes, chacun fourbit ses armes, caressant l’espoir d’amener
encore une fois à bon port la fière troupe de gamins et de gamines placées sous
sa coupe. L’objectif inatteignable voire inenvisageable en ce début de mois de
septembre se révèlera à nos yeux au fur et à mesure que ce bateau qu’est ma
classe affrontera grains et tempêtes, monstres et pirates, mutineries et
épidémies. Je suis un capitaine de vaisseau - Mille sabords ! -, ma classe un fameux trois mâts - Hissez haut ! -, mes ouailles mon
équipage - B’jour capt’n ! La
tâche est ardue certes, mais, auréolée de nombreuses traversées
transannéescolairiques, j’ai acquis une expérience certaine dans l’art de
barrer une classe. « Souquez ferme,
moussaillons ! »
Jour après
jour, semaine après semaine, mon équipage s’endurcit, s’aguerrit, se fie à mon
instinct de vieux loup de mer, et l’on peut dire alors que nous ne faisons plus
qu’un : la classe, les gosses et moi. L’osmose quoi. D’une voix magistrale
j’ordonne, d’un œil expert j’inspecte, d’une main de fer (un crochet) je
maîtrise. « À bâbord toute !
Direction la mer des multiplications ! » Chaque traversée révèle
son lot de fortunes, bonnes et mauvaises, qui contribuent à la cohésion de
l’équipage ; néanmoins il est nécessaire de s’octroyer quelques haltes
réparatrices : Atoll de Toussaint, Archipel de Noël et îlots de Pentecôte
et Ascension sont autant d’escales nécessaires au moral de tous sur cet esquif.
Et l’on embarque à nouveau : « Moussaillons,
cap sur les falaises de la grammaire, on va pas rigoler ! ça va
secouer ! Accrochez-vous au bastingage, j’en ai vu des coriaces
qu’ont valsé par-dessus bord, on les a jamais récupérés…». Les actes de
piraterie sont légion durant ce périple, les célèbres Barbante Noire et Long
John « Papa Je-sais-tout » dressent leur drapeau macabre (une tête
d’instit’ mort) avant de hurler « À l’abordage, fonctionnaire de merde,
pas d’quartier ! » Dans ces moments-là, il est nécessaire de
garder la tête froide afin d’éviter l’abordage et la prise du contrôle du
navire. Heureusement, au fil des voyages, ces attaques se font de plus en plus
en rares.
En vieux loup
de mer, je sais que toute traversée possède son Cap Horn, ses 40èmes
Rugissants, ses 50èmes Hurlants. Pour un capitaine de classe le
cauchemar se nomme…
« Mois
de juin »
Récifs de fête
des mères, Écueil de la fête d’école, Barrière de la sortie de fin d’année,
Maelström du bulletin : autant de dangers redoutables qu’il faut affronter
en 30 petits jours. Impossible de dormir ni même de s’assoupir, la vigilance
est de rigueur. Nuit et jour, j’évite les naufrages, les échouages et
sabordages, je tiens bon la barre, les embruns me fouettant le visage quand le
sel marin me ronge les lèvres. « Sacrebleu,
tous ensemble, fier équipage, on va se taper cette satanée fête d’école. Tous
sur le pont, et on chante, on danse, on remue son popotin ! Que Neptune me
soit témoin, je jette aux requins le moindre mutin ! » Ça tangue,
ça roule, le chavirage n’est pas loin mais ça finit par passer. Saint Nino
Ferrer, priez pour nous.
Les célèbres
et redoutées Récifs de Fête des mères sont pour un capitaine une menace qui
peut ruiner une traversée : perte du navire sur les rochers acérés du
Collier de pâte suivi d’un déchiquetage en règle par les sirènes-mamans… J’en
frémis rien qu’à l’évoquer.
Heureusement,
une nouvelle fois, la traversée 2012 s’est bien déroulée. Nous sommes tous
arrivés sains et saufs à bon port : le 4 juillet. L’équipage est
reconnaissant, mon vaisseau, le Black Tableau, a subi quelques avaries mais a tenu bon. Je
suis un capitaine heureux.
lool excellent !! Tu donnerais presque vraiment envie !!!
RépondreSupprimerj'adore!!!!
RépondreSupprimerça donne envie d'être en septembre, tiens!