samedi 7 avril 2012

Inventaire

Pfiouuu, dure journée. 


Ou plutôt devrais-je dire "dureS journéeS". 



C'est qu'c'est pas tous les jours faciles la vie d'instit'... Si je dis "vie" et pas "boulot" ni "métier", c'est qu'il y a une bonne raison; enfin, en ce qui me concerne. D'aucuns penseraient que notre boulot consiste à s’occuper pendant 6 heures de la progéniture des forces laborieuses de la France qui se lève tôt, semant çà et là quelques graines de savoir et montant un peu le ton afin de rétablir un calme propice à une sieste postprandiale, une garderie améliorée quoi. Que nenni! La vie d'instit', c'est H24, 7/7, même que t'en rêves! 

L'on entend souvent les mêmes récriminations: "z'avez la sécurité de l'emploi.", "z'êtes toujours en vacances!", "vous vous plaignez tout le temps." et ça se finit souvent par un "s'pèce de fonctionnaires!". Ah ouais, j'allais aussi oublié la légende urbaine qui voudrait que l'on soit payé les jours de grève... Désolé de casser un mythe, de vous ôter cet argument qui trouve sa place dans tout bon repas de famille mais je puis vous assurer que ce n'est pas le cas, ma fiche de paie est intraitable là-dessus.

Encore heureux qu'il y ait quelques avantages à exercer au sein de l'Éducation Nationale! Je suis pas masochiste à ce point. Il est vrai que si j'avais voulu gagner plus de fric, je ne me serais pas engagé... Non, j'ai choisi une certaine qualité de vie. Envie de rester à l'école, envie de côtoyer les enfants, vos enfants qui, l'espace d'une année scolaire sont un peu mes enfants. Envie d'avoir du temps à consacrer à ma famille, ma maison, cultiver mon jardin, au sens propre comme au figuré.
J'aime mon boulot, mais ce n'est pas le moteur d'une vie. Je n'envie pas ces entrepreneurs, jeunes ou moins jeunes, qui, sous prétexte de vouloir mettre à l'abri du "besoin" leur famille, se privent de profiter des meilleurs années de leur existence, de l'existence de leurs enfants. La réussite d'une vie se mesure-t-elle à l'aune de son compte en banque? Certains y croient, d'autres moins. Ne croyez pas que je promeuve une vie "d'amour et d'eau fraîche", je pense qu'il est nécessaire de trouver un juste milieu entre ses prétentions, ses rêves et ses capacités. Un équilibre.

J'en reviens au boulot lui-même, celui qui me hante jour et nuit. J'ai l'habitude de dire que les difficultés du métier ne viennent pas des gamins eux-mêmes, généralement nous sommes préparés à ça et ne nous berçons pas d'illusions. Les soucis les plus envahissants ont pour nom: PARENTS, ceux qui ne sont jamais là, sont qui s'en foutent, ceux qui n'ont pas le temps, ceux qui ne prennent pas le temps, ceux qui sont toujours là, ceux qui ne font pas confiance, ceux qui savent mieux, ceux qui veulent conseiller, ordonner, ceux ... la liste n'est pas exhaustive.
Effectivement, il est plus facile de travailler avec des gens qui vous font confiance et vous soutiennent. Je reprends ce que j'ai dit plus haut: confieriez-vous la prunelle de vos yeux à quelqu'un que vous ne soutenez pas, pour qui vous n'avez aucune confiance? Personne de sensé ne répondrait "oui" à cette question néanmoins mon expérience prouve le contraire... (D'ailleurs, après avoir abordé les différentes catégories d'élèves qui composent ma classe, j'ai une furieuse envie de m'attaquer à leurs parents! Une vraie jungle, pour ne rien vous cacher.) Il est usant de devoir éviter, amortir, contrer les différentes embûches qui se dressent à longueur d'année. Je suis un capitaine de bateau, d'une croisière qui dure 10 mois et, en bon capitaine Stubing, j'évite les icebergs, bateaux pirates et monstres légendaires qui se dressent devant mon vaisseau. "Madame Casse-couilles, vous cherchez vraiment à couler mon bateau? Le bateau sur lequel vogue votre cher enfant?" C'est un peu ça, mon taf, éviter l'échouage, le naufrage ou la mutinerie.
Difficile d'expliquer cela, tout le monde n'est pas "équipé pour".
Pendant quatre jours sur sept, je vis plus avec les enfants de ma classe qu'avec mes propres enfants, s'il n'y avait pas un peu d'amour, de paternalisme, de tendresse vis-à-vis de ces chères têtes blondes, croyez-vous que cela serait vivable pour eux, pour moi, pour vous?

J'ai la naïveté de croire que la très grande majorité des élèves de ma classe s'y sentent bien, si vous pouviez voir leur visage lorsqu'ils s'adressent à moi, disent "bonjour", "bon appétit" ou "au revoir", vous comprendriez pourquoi l'on appelle cela "le plus beau métier du monde".


Rag'

3 commentaires:

  1. C'est émouvant ça alors. T'es beau le Rag' !

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  2. Tiens , j'ai une question , une vraie ... De celles qui me préoccupent en ce moment et en particulier la précocité de ma louloute .. En tant qu'instit , vous voyez UNE classe avec des individus ou DES individus dans votre classe ...
    Jay

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  3. Je me permets d'écrire un petit mot, d'habitude je lis en sous-marin, mais là c'est tellement vrai et tellement bien dit...
    Je ne sais pas mettre des mots sur mon ressenti, moi je ressens et... je me tais ou je fais avec mais là, c'est tout à fait cela.
    Alors merci, juste merci.

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