dimanche 24 mars 2013

The Origins (2)_Lost in Translation

Épisode précédent

Deux mi-temps sur Lille? Même pas peur... Trop content d'enfin rentrer de plain-pied dans le monde du travail. Certains m'objecteront que "Prof, c'est pas un travail. Fonctionnaire et blindé de vacances, z'en avez de la chance...", ce à quoi je répondrai calmement: "Bah ouais, faudrait être con pour pas en profiter. Trimer comme un âne pour pas un rond et six semaines de congés payés, ça, c'est être maso! Et le concours est ouvert à toutes et tous...".
Appelé le mardi, je devais prendre mes fonctions le jeudi suivant. Aucune raison de stresser, personne ne pourra me reprocher d'être incompétent étant donné que je débarque avec ma bite et mon couteau (Lille-sud, ça peut toujours servir... un couteau). Le mercredi soir, je débarque sur Lille et décide d'aller repérer les lieux. Et là... là... LÀ! Putain, la flippe totale! Je débarque de ma simili-campagne (j'emploie ce terme car il serait temps que certains ploucs de citadins de la région NPDC se rendent compte que notre campagne n'a de campagne que le nom. Qu'ils aillent dans le Cantal, la Lozère, le Larzac ou l'Aubrac, là, ils auront de la VRAIE campagne, du "roots", du retour aux sources! Ici, c'est tout au plus une banlieue boisée avec des champs autour) et la vue de ces barres d'immeubles me tétanise quelque peu. C'est triste, froid, sale et quelques carcasses de bagnoles incendiées finissent d'attiser en moi une panique irrationnelle. "Putain, qu'est-ce que je fous ici????". Je dois me faire violence pour éviter que les clichés habituels ne viennent assombrir mon horizon professionnel. Malheureusement, le doute s'insinue. L'école où je vais devoir débuter en ce jeudi matin est une école d'application, par "application", entendez "pilote" ou "modèle"; on s'y applique vachement. On se DOIT d'y être appliqué! Avec du recul, j'ai quand même la vague impression que placer une école d'application au beau milieu d'un quartier défavorisé est une vaste fumisterie, un hochet pour les gouvernants. "Regardez comme on fait des efforts! Vous aussi, vous avez votre école d'application!". Bon, je ne suis pas là pour parler politique de l'éducation ni politique de la ville, je vais donc poursuivre mon histoire. Comme dirait l'autre "ça craint du boudin", m'est avis que l'idée que je me faisais de l'enseignement s'était perdue entre Dunkerque et Lille...
La deuxième école, celle où je devrai me pointer le vendredi, se situe de l'autre côté du périph' près des "biscottes", des petites barres d'immeubles de 3 étages qui, à l'époque, avait le lieu d'émeutes. Néanmoins le quartier est moins glauque, ces fameuses "biscottes" s'insérant dans des vieux quartiers populaires. Un peu moins ghetto, quoi. L'école est un bâtiment gigantesque de trois étages. Construit après la guerre, cet édifice accueillait d'un côté les garçons et de l'autre les filles. Une vingtaine de classes dans chaque aile, une cour de récréation d'un bon hectare, c'est impressionnant. Quelle entrée en matière!

Bon, voilà, le décor est planté: Lille, deux classes, deux écoles et le trouillomètre à zéro. Vais-je être à la hauteur?

Après une nuit à squatter la chambre d'étudiant du frangin, nuit très courte comme vous pouvez l'imaginer, je file au volant de ma VW Polo vers ce Faubourg de Béthune. Je tourne quelques minutes avant de trouver l'entrée du parking réservé aux enseignants. Il est 7h45, je flippe grave. Première étape: se présenter au maître des lieux : le directeur.  Le sosie de Jérôme Savary m'accueille. "Vous avez déjà enseigné?" me demande-t-il tout en me serrant la main. Je lui réponds par la négative et je décèle sur son visage un rictus de mécontentement. C'est vrai qu'accueillir un jeunot de 24 piges qui n'y connaît rien en pédagogie, qui n'a aucune idée de ce qu'il va bien pouvoir faire durant les trois prochaines heures et qui ne respire pas spécialement la confiance n'est pas une sinécure. "Jérôme Savary" s'empresse de décrocher son téléphone, composer le numéro de l'inspection de circonscription et déverser un flot ininterrompu de réprimandes à l'égard de l'académie, du rectorat, du ministère, de Dieu et de ses saints. Il est pas content Jérôme... Résultat des courses: en ce premier jour, je vais être assisté d'un remplaçant qui s'occupera de la classe tandis que je tenterai de trouver des billes qui m'aiguilleront quant à la conduite à tenir en classe. Cette classe... ouais... particulière.

Lost in Translation...

Les 16 gamins de cette classe de CE1 m'accueillent avec un "ouah, le géant! Hé, m'sieur, t'es un géant?", pris au dépourvu, je bafouille un truc du genre: "euh, oui, mais on ne dit pas "TU" mais "VOUS", bonhomme". Et c'est là que j'ai saisi que cette année allait être longue...: "Hé, m'sieur, VOUS es un géant?". Je me revois entrer dans cette classe, me présenter à ces marmots dont les patronymes chantaient tous le Maghreb. Tous sauf un. Mon Bill Murray à moi, Lost in Translation at Faubourg de Béthune! Roger Dupont qu'il s'appelait!!! (Comprenez que j'ai dû changer les nom et prénom du gamin mais croyez-moi, c’était cocasse) Un Gaulois pure souche. On pouvait pas le louper le p'tit blondinet. Treize ans déjà et je me souviens très bien de sa tête et de son nom, loin d'être une flèche mais sympathique au demeurant!
En attendant mon auxiliaire de survie, le remplaçant expérimenté, je tentai d'occuper toute cette marmaille en leur proposant quelques opérations. Il ne me fallut que quelques minutes pour réaliser que j'étais complètement à côté de la plaque. Non, un enfant de CE1 ne sait pas faire de soustractions avec retenue! Il allait falloir que je potasse un peu les programmes. Un peu quand même...

Ces premiers jours furent éprouvants et il s'en est fallu de peu pour que je ne jette l’éponge...

À suivre...











5 commentaires:

  1. Ce qui est rassurant, c'est de savoir que tu as survécu, finalement ... et que tu es même resté instit ...
    Vite, la suite du feuilleton !

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  2. Je suis trop fatiguée pour lire ce soir, après une journée de cours...Je me garde ce temps précieux pour demain.
    Un petit conseil: quand on reçoit votre avis de parution, on a tout le texte de l'article.... si vous vouez garder du suspens, il faut aller dans le feedburner, et configurer l'annonce. Sinon, vous pouvez aller sur LE THE blog, qui regorge de très très bons conseils pour les prisonniers à l'insu de leur plein gré de blogger...
    http://mestrucspourblogger.blogspot.fr/

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    1. Merci pour le conseil. Je potasse ça dès que possible, et surtout dès que j'aurai compris!!;)

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    2. J'arrive pas à paramétrer Feedburner!!!

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  3. Bill Murray - Lost in translation.
    Et t'embrasses qui à la fin ?
    Et c'est sympa de couper tous les billets en douze mais va falloir so'rganiser la moindre.
    Je confirme que le Nord c'est pas la campagne, c'est un vaste champ géant et de temps en temps au milieu y a une dizaine d'arbre ou une ville. Rien a voir avec la campagne !
    Ah tu voulais du com '!
    Bienvenu en Enfer !!! ahahahahaha.
    Dans quinze ans t'ouvriras un blog pour raconter ton experience de blogger !! ^^

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